Les contraintes de la garantie vol de véhicule

Les contraintes de la garantie vol de véhicule

La revue GAZETTE DU PALAIS a publié de nombreux arrêts de la cour d’appel de Paris sur la garantie « vol de véhicule » à l’occasion d’un numéro spécial du mois d’aout 2012.

Ces arrêts constituent d’excellents exemples de la manière dont les juges du fonds appréhendent cette garantie. Nous les reproduisons ici avec quelques commentaires.

« …l’assureur du propriétaire d’un véhicule soutient que son assuré n’apporte pas la preuve de la réalité du vol dont il se prévaut, alors que l’expert qui l’a examiné a conclu qu’il ne portait aucune trace d’effraction. S’il appartient effectivement à l’assuré de rapporter la preuve que les conditions de mise en œuvre de la garantie sont réunies, cette preuve est libre et peut être rapportée par tous moyens, notamment par indices ou présomptions. L’assuré qui a porté plainte pour vol accompagné d’actes de destruction de son véhicule auprès des services de gendarmerie, doit être présumé de bonne foi. L’absence de trace d’effraction sur le verrouillage mécanique de la colonne du véhicule n’exclut pas que celui-ci ait pu être volé. L’assureur n’apportant aucun élément de contradiction à la déclaration de vol faite par son assuré,  vol dont il n’avait du reste pas contesté la réalité dans une lettre opposant à l’assuré une déchéance de garantie pour fausses déclarations sur Les conséquences du sinistre, la preuve du vol est dès lors suffisamment rapportée. (CA Paris, pôle 2, ch. 5, 6 mars 2012, SA Gan Assurances Iard c/ M. X)

Attention cette décision est la seule qui soit favorable à l’assuré

« Il appartient à l’assuré d’un véhicule automobile dont la police a garanti le risque de vol, de prouver que celui-ci a été commis au moyen d’une effraction du véhicule ou du local le renfermant. Aux termes de l’article 7 des conditions générales de la police, le vol au sens de l’article 311-1 du Code pénal est garanti et « le vol est établi dès lors qu’est réuni un faisceau d’indices sérieux le rendant vraisemblable et caractérisant l’intention des voleurs ».

En l’espèce, pour établir la soustraction frauduleuse de son véhicule, l’assuré. dont il n’est pas contesté qu’il était propriétaire du véhicule assuré, produit une déclaration de vol faite à la gendarmerie, ainsi que huit attestations, dans lesquelles les déclarants font état sans plus de précision, de ce que le véhicule lui a été volé en 2006 et qu’ils ne l’ont plus revu depuis, Cependant. une déclaration de vol ne constitue pas par elle-même la preuve d’un vol et les attestations, en l’espèce, se contentent toutes de reprendre l’affirmation générale selon laquelle le véhicule de l’assuré a été volé, sans qu’aucune d’entre elles ne précise dans quelles conditions son auteur aurait personnellement constaté ces faits. En conséquence, il ne peut être déduit de l’ensemble de ces éléments un faisceau d’indices sérieux rendant vraisemblable le vol. (CA Paris, pôle 2, ch. 5, 10 janv. 2012, n° 10/10390: Mme X épouse Y c/ SA l’Équité)

On s’interroge, dans la mesure où il est rare qu’un vol se réalise en présence de témoin pouvant décrire précisément les circonstances de sa réalisation, quels éléments le malheureux pouvait-il apporter pour démontrer le vol?

On a le sentiment qu’il a péché par manque de subtilité dans les témoignages et dans la présentation de son affaire.

Il appartient à l’assuré de rapporter la preuve de la réalité du vol déclaré, Cette preuve étant libre, elle peut être rapportée par tous moyens et notamment par indices ou présomptions graves, précises et concordantes, En l’espèce, l’assuré a porté plainte pour vol de son véhicule, Son fils, conducteur au moment des faits a déclaré aux policiers qu’il avait été intercepté par un véhicule Peugeot 306 sur le tableau de bord duquel se trouvait un gyrophare activé, Trois individus munis de brassards de la police l’avaient contrôlé en invoquant un mauvais état des pneus ainsi qu’une discordance du numéro de série figurant .sur la carte grise avec celui de leur base de données, puis l’avaient fait sortir du véhicule et lui avaient demandé de venir au commissariat avec le propriétaire; l’un d’entre eux est alors reparti au volant dudit véhicule, Celui-ci n’a jamais été retrouvé et la plainte de l’assuré a été classée sans suite, La réalité de ce vol par ruse, survenu dans des circonstances pour le moins inhabituelles et surprenantes, ne résulte que des seules déclarations du fils de l’assuré, qui ne sont corroborées par aucun indice ni la moindre présomption, Au surplus,  ce vol s’inscrit dans un contexte particulièrement douteux quant aux conditions d’acquisition du véhicule que l’assuré avait déclaré, dans sa déclaration de sinistre. au prix de 55 000 €, réglé en espèces en Allemagne et financé à hauteur de 35 000 € par emprunt. Au regard de l’ensemble de ces éléments. la cour estime que l’assuré ne rapporte pas la preuve de la réalité du vol au titre duquel la garantie est recherchée.(CA Paris, pôle 2, ch. 5, 13 mars 2012, n° 10/08472 : M. X c/ SA Allianz Iard)

Certes les circonstances décrites sont pour le moins stupéfiante, mais l’auteur de ces lignes, pour avoir été lui-même victime d’un car-jacking par des individus ayant utilisé un gyrophare et qui se sont ensuite éclipsés sans qu’aucun automobiliste ou témoin ne vienne à son secours pour le confirmer, cette histoire n’est pas si extravagante. On a le sentiment que ce sont plutôt les circonstances de l’achat du véhicule qui ont été sanctionnées.

Dans la mesure où les circonstances de cet achat ne peuvent pas être critiquées par l’assureur, dès lors que la propriété du véhicule n’est pas contestée, on a la désagréable sensation que la cour a sanctionné le caractère douteux de l’achat plutôt que les circonstances du vol.

En l’espèce, l’assureur soutient que son assuré ne démontre pas que le vol répond à la définition contractuelle de la garantie du vol de véhicule imposant le cumul d’une effraction du véhicule et de ses organes de direction. En effet, cette définition a pour finalité de préciser sans ambigüité, non les circonstances dans lesquelles la garantie vol de véhicule est exclue, mais au contraire, les conditions d’ouverture du droit à cette garantie, Claire et précise,  cette définition, identifiable comme telle, ne relève d’aucune interprétation quant aux obligations contractuelles réciproques des parties qui font leur loi et doivent s’exécuter de bonne foi, notamment quant à l’obligation de l’assureur de garantir le seul vol de véhicule réalisé dans les conditions conventionnelles, indépendamment de toute référence générale au vol couramment entendu ou pénalement qualifié. Dès lors, les articles L. 112-4 et L. 113-1 du Code des assurances ne sont pas applicables, Il s’ensuit que, suivant en cela l’argumentation de l’assuré reprise en appel, le jugement critiqué a considéré à tort que le procédé de renvoi à une définition spécifique du vol de véhicule, différente de celles du langage courant ou du Code pénal, est une clause d’exclusion de garantie entachée de nullité. pour défaut de conformité à l’article L. 112-4, faute d’être mentionnée en caractères très apparents, et par défaut de conformité à l’article L. 113-1, faute d’être limitée. Le jugement est réformé en ce qu’il a considéré que l’assureur était ainsi tenu à garantir l’assuré des conséquences dommageables du vol et l’a débouté de sa demande en restitution des sommes versées. En revanche, la garantie des « dommages tous accidents» est distincte de la garantie « vol ». ce qui n’interdit pas qu’elle soit mise en œuvre quand les conditions de la garantie vol ne sont pas remplies, mais que, au contraire, en sont exclus les dommages consécutifs à un événement prévu dans le cadre de la garantie vol. Le vol de véhicule, événement « garanti» au titre de la garantie, est défini comme étant le vol commis par double effraction ou par violence. L’assureur, par les motifs précédemment exposés, soutient que le vol du véhicule de l’assuré n’est pas, en l’espèce, l’un des événements garantis tels que définis dans le cadre de la garantie vol. Il s’ensuit que l’assureur oppose sans pertinence cette non-garantie à la demande indemnitaire de son assuré fondée sur la garantie « dommages tous accidents », En exécution de cette garantie, l’assureur est tenu d’indemniser les dommages résultant des actes de vandalisme ou de malveillance. En effet, il résulte du procès-verbal de découverte du véhicule, suite à la plainte déposée et aux avis des experts, que le véhicule a été vandalisé, l’expert ayant conclu à un véhicule totalement vandalisé et dépouillé. (CA Paris, pôle 2, ch. 5, 10 janv. 2012, n° 09/09751 : SA Maaf Assurances c/ Mme X)

Cet arrêt est très intéressant car il évoque dans un premier temps une clause très répandue désormais qui écarte la garantie vol en l’absence de trace d’effraction des organes de direction du véhicule. De nombreux propriétaire se heurtent désormais à cette clause piège. Les techniques des voleurs ne cessent d’évoluer, les système de coupe-circuit interdisent quasiment tous les vols à l’arracher, les voleurs utilisent des moyens électroniques ne laissant aucune trace. (Voir article sur le vol sans effraction…)

Tous les assurés doivent désormais prier pour qu’on ne retrouve pas leur véhicule volé, ou que s’il est récupéré il laisse bien apparaître une trace d’effraction, sinon ils n’auront aucune chance d’être indemnisés. Dans cette affaire l’assuré a été sauvé par une autre clause du contrat sans laquelle il se serait retrouvé sans rien.

En conclusion il convient de noter que la position de la cour d’appel de Paris ne reflète pas nécessairement celle des autres cours d’appel. Il existe des différences de sensibilité qui font que d’autre cours d’appel auraient pu admettre la preuve du vol par exemple dans la deuxième ou la troisième affaire là où la cour de Paris l’a refusé.

Néanmoins ces décisions sont intéressantes pour montrer le raisonnement des magistrats et leur approche de la question.

 

Poster le commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

captcha

Please enter the CAPTCHA text