L’importance de l’activité déclarée

Une entreprise dont l’activité était celle « d’importateur, négociant de jouets en peluche », prend des locaux neufs à bail.

Le futur locataire obtient du propriétaire l’autorisation de commencer ses travaux d’aménagement avant l’entrée en vigueur du bail, et quelques jours plus tard le 26 janvier 2013 un incendie provoqué par un ouvrier du futur locataire détruit les locaux.

Les services de gendarmerie ont conclu que l’incendie était imputable à un préposé de la société G… qui avait procédé dans l’immeuble, avant qu’il ne lui soit confié en location, à des travaux d’installation d’étagères avec l’aide d’un fer à souder dont les étincelles avaient embrasé des ballots de mousse entreposés à proximité

Le bâtiment se trouvait probablement dans une situation de non assurance, car déjà livré par le constructeur qui n’en était plus responsable, et pas encore assuré par le maitre d’ouvrage futur bailleur.

La présomption de responsabilité du locataire de l’article 1733 et la garantie d’assurance du risque locatif qui la couvre ne pouvaient pas être mises en œuvre puisque le bail n’avait pas encore commencé.

Toutefois le futur locataire disposait d’une garantie d’assurance responsabilité exploitation qui couvre les dommages qu’il peut provoquer aux tiers à l’occasion de l’exercice de ses activités professionnelles classiquement rédigée :

« … l’assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir, du fait des activités déclarées par l’assuré… »

Mais l’assureur n’a pas manqué de faire observer que l’activité d’importation de peluche est très différente de celle d’installateur d’étagère. Indépendamment de divers arguments inopérants du locataire et du bailleur, pour tenter de sauver la situation, la cour de cassation n’a pas tergiversé.
Cass. 2e civ., 11 déc. 2014, no 13-21511

« Mais attendu que l’arrêt retient que les sociétés G.. et P.. ont souscrit, auprès de la société A… une police responsabilité civile, l’une en sa qualité « d’importateur, négociant de jouets en peluche », l’autre en celle de « propriétaire non occupant de bâtiments donnés en location pour l’entreposage de produits divers » ; qu’au point B de la police d’assurance, intitulé « objet et étendue de la garantie », il est précisé que l’assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir en raison de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non, causés à des tiers et survenant du fait des activités déclarées par l’assuré et exercées librement par lui ou pour son compte par des sous-traitants ; que la notion d’activité déclarée doit être entendue strictement, et ne peut concerner un accident survenu à la suite d’une activité d’installation non déclarée, pour laquelle aucune police spécifique n’a été souscrite, quand bien même elle serait nécessaire pour permettre ensuite le développement de l’activité déclarée, à savoir l’activité d’importateur et de négociant de jouets en peluche ; que s’il est précisé aux conditions particulières de la police que les activités déclarées sont mentionnées « à titre indicatif et non limitatif », cette expression doit s’interpréter en ce que l’assuré peut, s’il le souhaite, étendre le champ des activités exercées, mais à condition de les déclarer ; qu’en décider autrement reviendrait à permettre à la société assurée d’exercer toutes sortes d’activités sans les déclarer à l’assureur, lequel ne serait alors pas mis en état d’apprécier le risque assuré et ses conséquences ; que les travaux d’installation réalisés par la société G…, avec utilisation d’un outil à feux nus, ont créé un risque nouveau, ou, à tout le moins ont aggravé le risque assuré, le négoce de peluches n’impliquant pas directement ou indirectement l’usage d’un tel outillage ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a pu déduire, sans dénaturation du contrat liant les parties, que la société A… était fondée à dénier sa garantie à la société G… ; »

Pourtant cette décision ne convainc pas et il est difficile d’en accepter le raisonnement. En effet, ce n’est pas parce que l’entreprise a réalisé des travaux d’aménagement de ses futurs locaux que pour autant son activité déclarée d’importateur de peluche serait erronée. Ou plus précisément, ce n’est pas parce qu’une entreprise est amenée ponctuellement a réaliser telle ou telle geste ou comportement que pour autant ce geste ou ce comportement se trouverait au-dehors de son activité.

Imaginons que cette entreprise ait acquis une machine à café, et qu’un salarié la ramène dans l’entreprise et la fasse tomber en provoquant un dommage à un tiers. Le transport de machine à café ne constitue certainement pas son activité, puisqu’elle est importateur de peluches. Pour autant le transport de la machine à café, destinée à l’usage de son personnel et de ses clients, participe de la réalisation de son objet social, sans pour autant le modifier.

Par conséquent, le contrat d’assurance limitant la garantie de la responsabilité « du fait des activités déclarées par l’assuré » ne peut pas faire l’objet d’une interprétation aussi restrictive pour limiter la garantie de l’assureur aux seules conséquences directes de l’exercice de l’activité et en écartant tout ce qui pourrait paraître ne pas entrer totalement et directement dans cette activité.

La notion doit être interprétée comme celle d’objet social et couvrir tous les comportements et toutes les actions accessoires qui tendent à la réalisation de l’objet et ici de l’activité déclarée par l’entreprise.

La seule limite pourrait se trouver dans l’exercice d’une activité relevant d’une compétence spécifique, par exemple le fait d’installer des tuiles sur une toiture, qui constitue l’activité de couvreur, et que l’entreprise aurait eu vocation à confier à un professionnel. Alors seulement on pourrait considérer qu’une telle activité sort du domaine de l’activité déclarée et peut être sanctionner.

Si tel était le cas la cour d’appel aurait du le préciser, et la cour de cassation le relever, Mais poser des étagères, même en usant d’un fer à souder ne parait pas atteindre cette limite.

On ne peut que regretter une telle rigueur et une telle lecture restrictive de la notion d’activité déclarée.

 

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