L’attestation d’assurance et les activités déclarées

A chaque fois qu’un particulier ou une entreprise sollicite les services d’un entrepreneur, il se doit de solliciter l’attestation d’assurance de ce professionnel et surtout de vérifier que les travaux ou prestations envisagées correspondent bien à des activités déclarées et garanties de ce professionnel sur l’attestation d’assurance.

Certes il fut un temps ou les assureurs négligents étaient sanctionnés si l’attestation était mal rédigée ou peu claire, mais ces temps sont révolus.

Si le contenu de l’attestation d’assurance est nécessairement sommairre, en revanche ce document est destiné à être remis au maître d’ouvrage client de l’entrepreneur assuré et c’est donc au regard du « client » que doit être appréciée la qualité et l’éventuelle insuffisance du contenu de l’attestation d’assurance et des responsabilités qui en découlent.

Par un arrêt de principe du 15 janvier 1991, la Cour de cassation a affirmé que

 » s‘agissant d’une assurance exigée par la loi dont l’intérêt des clients éventuels des entrepreneurs de travaux de bâtiment et dont l’existence peut déterminer, lors de la conclusion du contrat de construction, le choix d’un entrepreneur par ceux-ci, (…) il appartient aux compagnies d’assurance, sollicitées par leurs assurés en vue d’obtenir une attestation nécessairement destinée à être produite à leur propre clientèle, de ne pas fournir de renseignements de nature à égarer celle-ci quant à l’étendue des garanties offertes » .

Par les deux arrêts des 17 décembre 2003 et 22 septembre 2004, la Cour de cassation a ajouté que

 » L’assurance de responsabilité obligatoire dont l‘existence peut influer sur le choix, d’un constructeur étant imposée dans l’intérêt des maîtres d’ouvrage, il appartient à l’assureur, tenu d’une obligation de renseignement à l’égard de son assuré à qui il délivre une attesta/ion nécessairement destinée à l’information des éventuels bénéficiaires de cette garantie, de fournir dans ce document les informations précises sur le secteur d’activité professionnelle déclaré ».

Surtout dans un arrêt  du 3 mars 2004:

« l’assureur qui fournit à son assuré, une attestation destinée à être présentée au maître de l’ouvrage, ne mentionnant aucune restriction quand aux activités déclarées n‘est plus recevable à opposer au tiers lésé les exceptions opposables à son assuré, qu’ayant constaté que l’attestation fournie par la Compagnie d’assurance à M. Z… et présentée au maître d’ouvrage ne comportait aucune restriction quant aux activités professionnelles exercées par ce dernier, la Cour d’appel en a exactement déduit qu‘il n‘existait aucune  contestation sérieuse relative à la garantie’ de l’assureur »

L’assuré dispose donc d’une protection sérieuse contre toutes les négligences des assureurs dans la rédaction des attestations, mais c’est bien la limite de la protection. Quand l’attestation est claire si le professionnel est allé au-delà de l’activité déclarée l’assureur n’aura rien à payer.

Par exemple : Cass. 3e civ., 26 févr. 2008

M. et Mme T., maîtres d’ouvrage, ont chargé la société SOCOVILA, depuis lors en liquidation judiciaire, assurée par la (MAAF), de travaux de reprise de la toiture de leur maison et en ont payé la facture visée par M. G., architecte, assuré par (GIE G 20) ; que des infiltrations étant apparues, les époux T. ont assigné en réparation M. G. et le GIE G 20 qui a appelé en garantie la MMA ;

Attendu que pour condamner la MAAF à garantir la société S…, l’arrêt retient qu’assurant cette société pour les activités de maçonnerie, charpente et bois, il fallait entendre que la garantie couvrait l’activité de couverture qui ne paraît pas se distinguer des activités déclarées, et que la MAAF ne justifiait, ni même n’invoquait l’existence d’aucune assurance particulière autre, au titre de la couverture ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les activités de maçonnerie, charpente et bois n’emportent pas celle de couvreur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Désormais les assureur délivrent des attestation particulièrement détaillées et il faut parfois être un vrai technicien du batiment pour savoir si telle ou telle activité ressort ou non des travaux commandés.

Pour un exemple récent :   (Cass 2eme civ 15 Avril 2010)   Un mur pignon d’un bâtiment appartenant à un propriétaire et loué à un garage automobile s’est effondré sous l’effet d’une tempête. Les travaux de réfection ont été effectués par une société sous-traitante d’un entrepreneur chargé par le propriétaire des travaux de remise en état. A la suite de ces travaux, des désordres sont apparus.

C’est en violation de l’article 1134 du Code civil et en dénaturant les termes clairs et précis de l’attestation d’assurance produite, que la cour d’appel a condamné l’assureur du sous-traitant et ce dernier à garantir l’entrepreneur des condamnations prononcées à son encontre, au motif, notamment, que l’assuré exerçait l’activité de couvreur garantie au titre de sa responsabilité décennale. Or, il avait été constaté que les travaux effectués par la société relevaient de l’activité de charpentier et non pas de celle de couvreur qui seule entrait dans le champ de la garantie de l’assurance telle que définie par l’attestation d’assurance.    

En 2014 notre conclusion était la suivante :

« Pour le moment la jurisprudence n’est pas trop développée mais tout laisse à penser que les assureurs vont s’engouffrer dans la brèche pour tenter une nouvelle fois de réduire le nombre des sinistres pris en charge »

Commentaire prémonitoire, car depuis les refus de garantie se multiplient avec une cour de Cassation intraitable :

  • « La cour d’appel qui retient que pour dénier sa garantie, l’assureur de responsabilité décennale invoque, non une clause d’exclusion de celle-ci, mais un cas de non-assurance, et constate que l’objet du marché conclu entre le constructeur et le maître d’ouvrage est la construction d’une maison basse consommation, clé en main, de type Euromac, hors assainissement et peinture intérieure, comprenant gros œuvre et second œuvre, hors terrassement, fosse septique et étanchéité d’une part, et relève qu’une clause en caractère gras des conditions générales, reprise dans les conditions particulières du contrat d’assurance stipule que celui-ci ne garantit pas l’assuré intervenant en qualité de constructeur de maison individuelle d’autre part, en déduit à bon droit, sans être tenu de répondre à des conclusions inopérantes, que la garantie de l’assureur n’est pas due pour les travaux de construction réalisés par le constructeur/assuré. » (Cass. 3e civ., 2 mars 2022)

jcr