L’exclusion du défaut d’entretien tous les revirements de la cour de cassation

Selon l’article L113-1 du code des assurances, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée ».

Faute de précisions sur ce point, ce sont donc aux juges d’apprécier la validité de la clause au regard de cet article, ils ont dû pour cela définir plus précisément les notions de « formelle et limitée ». En 1984, la Cour avait alors précisé que « n’est pas conforme à l’article L113-1 l’exclusion qui se réfère à des critères imprécis et à des hypothèses non limitativement énumérées ». En 2011, la Cour confirmait toujours cette position de « critères précis d’exclusion limitativement énumérés ».

A ce titre, la jurisprudence actuelle considère comme nulle une clause qui exclut « les dommages résultant du défaut d’entretien ou de réparation caractérisé et connu de l’assuré », ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.

La jurisprudence est sur ce point constante puisqu’on retrouve cette solution dans plusieurs arrêts de 2012, rendus par la 2eme et la 3eme chambre civile de la Cour de cassation. Dans ces arrêts les clauses d’exclusion sont à peu près similaires, et sont réputées nulles :

 « n’est pas garanti un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré et connu de lui ». Cass 2012

– « sont toujours exclus les dommages qui résultent, sauf cas de force majeure, de l’insuffisance, soit d’une réparation, ou modification notamment suite à la suite d’une précédente manifestation de dommages sur les biens assurés ». Cass.2012

– « sont exclus les dommages dus à un défaut d’entretien ou de réparation indispensable à la sécurité ».Cass 2013 

La Cour considère dans ces affaires que ces clauses ne sont ni formelles ni limitées car elles ne définissent pas les notions de défaut d’entretien ou de réparation, et ainsi ne répondent pas aux critères de précision et d’énumération imposé par le texte.

Par un revirement du 3 octobre 2013 la cour de cassation a ouvert la boite de PANDORE et validé la clause annulée jusque-là.

La lecture de l’arrêt en fait un arrêt de principe et un vrai revirement car la clause litigieuse est rédigée de manière strictement identique de celles qui avaient été annulées jusque-là.

Pourtant les circonstances de l’espèce se prêtaient mal à une telle décision. L’arrêt nous apprend que :

« …les infiltrations étaient dues au mauvais état des installations sanitaires et à l’absence d’étanchéité des parois murales et du sol ; que le premier désordre s’est manifesté en 2000 et que des réparations certes insatisfaisantes ont été commandées par Mme X… en 2001 mais qu’elles n’ont pas mis fin au désordre qui s’est poursuivi et a pris de l’ampleur, jusqu’au départ du locataire ; qu’ainsi il apparaît que les causes du désordre étaient connues des assurés à partir de 2000 mais qu’ils n’ont pas pris les mesures suffisantes pour empêcher l’aggravation du désordre… »

Ainsi dans cette affaire, Mme X avait subi des infiltrations qu’elle connaissait depuis l’année 2000, elle avait commandé des travaux de réparation qui se sont avérés inefficaces, et ainsi Mme X n’avait pas pris les « mesures suffisantes pour empêcher l’aggravation du désordre ».

Mme X avait donc sollicité une entreprise pour procéder aux réparations, et comme ces réparations se sont avérés défaillantes, la cour de cassation considère que l’exclusion des dommages résultant d’un « défaut d’entretien ou de réparation indispensable » est valide et applicable.

Autrement exprimé, l’assuré n’est pas sanctionné pour une négligence grave et manifeste lequel aurait laissé une fuite persister sans réagir et sans réparation, mais en raison de la mauvaise qualité de la réparation de l’entreprise à qui elle a confié la réparation. L’assuré deviendrait ainsi le garant de l’efficacité des mesures qu’il a pu entreprendre pour faire cesser le dommage.

J’avais déclaré qu’il fallait rester prudent et attendre de savoir  si la troisième chambre qui aura certainement à se prononcer également sur la validité de cette clause confirmerait ou non la position de la 2ème chambre.

Quelques semaines plus tard par 2 arrêts du même jour le 12 décembre 2013, la 2ème chambre est revenu à sa jurisprudence antérieure et à envoyé aux oubliettes l’erreur du 3 octobre précédent.

La question est close, et à bon entendeur salut !

Jean Claude Radier