L’arrêt du 4 février 2016 sur les clauses abusives

La cour de cassation a rendu un arrêt important le 4 février 2016, étendant le bénéfice de la règlementation des clauses abusives à de nombreux professionnels.

Selon l’article L. 132-1 du Code de la consommation :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Depuis plusieurs années le cabinet RADIER a fait condamner l’assureur AXA, par application de cet article du code de la consommation, au sujet de la clause de garantie des honoraires d’expert dans les contrats habitation des particuliers.

Sans développer ici cette question, rappelons que le contrat d’AXA prévoit que les honoraires de l’expert d’assuré ne sont pris en charge qu’à la condition que l’assuré ait manifesté un refus d’accepter les indemnités proposées par l’assureur, avant de procéder à la désignation de son expert.

Si l’assuré désigne son expert avant ce désaccord, AXA refuse de payer les honoraires pourtant garantis par le contrat.

Plusieurs juges appelés à apprécier la validité de la clause aujourd’hui opposée par AXA ont reconnu son caractère abusif : (Cour d’appel de Paris en 2007, Tribunal d’instance d’Auch en 2010, Tribunal de grande instance de Nancy en 2011, Cour d’appel de Besançon en 2012, Cour d’appel de Montpellier en 2013)

Profitant de l’entrée en vigueur de la loi HAMON en 2014 au sein du Code de la consommation et définissant le consommateur comme « toute personne physique …», AXA prétend désormais que les demandeurs, personnes morales, ne pourraient plus bénéficier de cette protection.

Il faut savoir que dès l’origine de la loi du 10 janvier 1978 la protection contre les clauses abusives a visé le « non professionnel » clairement distingué du consommateur dans le but de faire bénéficier les professionnels dans certains cas de la protection du consommateur lorsqu’il intervenait en dehors de leur domaine de spécialité.

Pourtant, depuis la Cour de cassation a toujours adopté une conception très restrictive de cette notion de « non professionnel ».

Depuis un arrêt du 24 janvier 1995 et les arrêts postérieurs, la Cour de cassation considère que le professionnel qui conclut un contrat « pour les besoins de l’activité professionnelle » même quand la prestation offerte est sans rapport avec l’activité professionnelle du souscripteur, ne peut pas bénéficier de la protection contre les clauses abusives.

« Mais attendu que M. X. a reconnu dans ses conclusions d’appel qu’il avait loué le véhicule pour les besoins de son entreprise ; que la cour d’appel en a justement déduit que le contrat signé par un commerçant pour les besoins de son commerce échappait à l’application de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 qui ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs « .

La cour de cassation dans son arrêt du 4 février 2016, semble vouloir balayer 20 années de rigidité et faire disparaître la limitation aux personnes physique de la protection.

« Qu’ayant relevé que la SCI, promoteur immobilier, était un professionnel de l’immobilier mais pas un professionnel de la construction , la cour d’appel a pu retenir que celle-ci devait être considérée comme un « non-professionnel » vis-à-vis du contrôleur technique en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation. »

Il convient de préciser que cette décision de la 2ème chambre adopte une position différente de la chambre commerciale de la cours de cassation, qui en reste à la conception antérieure. Il n’est pas possible pour le moment d’anticiper sur ce que sera l’avenir de cette question, a fortiori avec la réforme du code civil intervenue par l’ordonnance du 10 février 2016 qui entrera en vigueur le 1er octobre 2016.

En effet, le nouvel article 1171 du Code civil prévoit :

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».

La distinction entre professionnels et non professionnels, tout comme la référence à la notion de personne physique, est ici abandonnée au profit de celle de contrat d’adhésion, c’est-à-dire de contrat imposé par une partie à l’autre sans pouvoir être ou sans avoir été discuté. Le contrat d’assurance constitue l’exemple type du contrat d’adhésion.

Observons également que le promoteur était une personne morale, de sorte que même si la décision a été rendue sous l’empire de la loi antérieure à la loi HAMON, il est permis de considérer que cette réforme n’aura pas d’incidence sur la qualification de non-professionnel.

Ainsi tous les assurés, personnes morales ou personnes physiques, professionnels ou non, vont disposer d’une meilleure protection contre les abus éventuels pouvant être pratiqués par les assureurs dans leurs contrats.

La cour de cassation est en bonne voie, attendons la suite.