Comprendre l’Indemnisation de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle

Un peu d’histoire…

En droit français, l’indemnisation de l’accident du travail a connu une histoire compliquée. Il aura fallu 18 ans de débats parlementaires pour que soit adoptée la loi du 9 avril 1898 qui reconnaîtra pour la première fois le droit pour les ouvriers de l’industrie victimes d’un accident de travail d’obtenir une indemnisation sans avoir désormais à prouver la faute de l’employeur.

Mais, le remède étant parfois plus néfaste que le poison, cette responsabilité sans faute ne sera pas sans contrepartie pour l’ouvrier qui ne pourra bénéficier que d’une indemnisation forfaitaire et très incomplète et seulement en cas d’incapacité temporaire supérieure à 5 jours (remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques ; versement d’un demi-salaire jusqu’à la reprise ; rente en cas d’incapacité absolue et permanente …).

La loi ne concerne alors que les ouvriers industriels. Elle sera étendue progressivement aux accidents agricoles à caractère industriel (loi du 30 juin 1899), aux ouvriers des ateliers commerciaux (loi du 12 avril 1906), à ceux des exploitations forestières (loi du 15 juillet 1914) et ce n’est que par une loi du 25 octobre 1919 que le régime sera enfin étendu aux maladies professionnelles.

Toutes ces lois n’ont cependant prévu aucune garantie de paiement en cas de faillite ou d’insolvabilité de l’employeur, ni d’obligation d’assurance. Il faudra attendre une loi du 31 mars 1905 pour que soit créé un fonds de garantie destiné à se substituer à l’employeur défaillant ou à lui substituer son assureur, s’il y en a un. Enfin, la loi du 30 octobre 1946 abrogera la loi du 9 avril 1898 et rattachera la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles à la Sécurité sociale et non plus à l’assurance maladie-invalidité.

Cette loi consacrera la rupture de tout rapport de responsabilité civile et instaurera l’assurance obligatoire en substituant la Sécurité sociale aux assureurs privés.

… Et aujourd’hui

L’indemnisation de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, sauf lorsque la responsabilité d’un tiers à l’entreprise peut être recherchée, fait l’objet d’une réparation forfaitaire limitée par les dispositions du Code de la sécurité sociale qui comprend principalement l’indemnisation des dépenses de santé, de l’incapacité temporaire (sous la forme d’indemnités journalières) et de l’incapacité permanente (sous forme de capital si le taux d’IPP est inférieur à 10% ou de rente au-dessus de 10%) ainsi qu’un dispositif spécifique de réadaptation fonctionnelle incluant le reclassement professionnel.

Un certain nombre de postes de préjudices, traditionnellement indemnisés en droit commun (voir la nomenclature Dintilhac), tels les frais de logement et de véhicule adaptés, les besoins en tierce personne, certains aspects du préjudice professionnel, les souffrances endurées (physiques ou morales), le préjudice esthétique, etc… ne sont pas indemnisés sauf en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Mais, même en présence d’une telle faute et contrairement à ce qu’avait pu laisser espérer la décision du Conseil Constitutionnel rendue le 18 juin 2010, l’indemnisation de l’accident du travail demeure différente du droit commun.

En effet, la faute inexcusable ne permet toujours pas d’obtenir la réparation de l’intégralité des préjudices indemnisés en droit commun et énumérés dans la nomenclature Dintilhac.

Cette décision opère ainsi une distinction entre les préjudices plafonnés ou limités par le code de la sécurité sociale, pour lesquels aucune indemnisation complémentaire n’est possible, et ceux non visés par ledit code, pour lesquels au contraire une indemnisation peut être réclamée.

Pour les premiers, les dispositions du code sont déclarées conformes à la constitution et ne sauraient par conséquent ouvrir droit à une indemnisation complémentaire. C’est le cas pour l’indemnisation de l’incapacité temporaire ou des pertes de gains professionnels, du déficit fonctionnel permanent ou encore de la tierce personne après consolidation.

Pour les seconds, en revanche, le Conseil constitutionnel a émis une réserve et considère qu’ils peuvent donc être indemnisés dans les conditions du droit commun. C’est le cas pour :

  • le déficit fonctionnel temporaire
  • les besoins en tierce personne temporaire
  • le préjudice esthétique temporaire
  • les frais de logement et de véhicule adapté
  • le préjudice sexuel (distinct du préjudice d’agrément)
  • le préjudice d’établissement
  • les préjudices permanents exceptionnels
  • les frais divers (incluant les frais de déplacements non liés aux soins)

L’étude d’un dossier d’indemnisation d’accident du travail est ainsi une opération complexe qui doit être adaptée à chaque cas et doit être menée par un professionnel, d’autant que les décisions rendues par les Tribunaux à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010 sont loin de retenir des solutions unifiées, notamment sur la nature des préjudices indemnisables et sur les modes d’indemnisation .

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